samedi 11 juin 2011

Tunisie. Ettajdid croit à sa bonne étoile



Samedi, 11 Juin 2011 07:42
Non à l’extrémisme. Pas de marche arrière. Pour la moralisation du pouvoir, des médias, de l’argent en politique… Tels sont les principaux commandements d’Ettajdid. Dans quelle case de l’échiquier se loge vraiment ce parti? Par Zohra Abid 

En sortant de la bouche du métro Le Passage de Tunis, le n° 7 avenue de la Liberté (Lafayette) est à quelques mètres. Longez le trottoir, levez juste un peu les yeux et vous êtes à la bonne adresse.
Visite d’appartements 
Le mouvement Ettajdid (Renouveau), ancien Parti communiste tunisien (Pct),  a déménagé il y a près de trois ans au quartier Lafayette de Tunis. Autrefois, son siège était un peu plus loin au 6 rue de Métouia. L’équipe du plus ancien parti du pays (fondé en 1920) et du journal Attariq Al Jadid (La nouvelle voie) semble être à l’aise dans cet immeuble de style colonial.

Siège d'Ettajdid

Les marches qui conduisent aux bureaux du parti et à la rédaction du journal ont, certes, pris un sacré coup de vieux, mais selon les locataires des trois appartements, c’est tellement aéré, éclairé de l’intérieur, et surtout commode que ça vaut la peine. Ça vaut la peine parce qu’il n’est pas évident de louer au centre-ville à un prix modéré. Combien ça coûte? «L’appartement est autour de 1.000 dinars par mois», selon l’un des militants. Et d’ajouter : «comme emplacement, on n’en demande pas mieux !». Nous évoquons ce sujet, en pensant aux autres partis, dont certains sont nés de la dernière pluie, et qui sont autrement mieux logés.

Suivez la flèche

Vue d’intérieur: parterre en marbre écorché, parfois bossu, meubles et équipements de bureaux simples. Pas de luxe insultant. Ambiance: beaucoup de sérieux et… ça s’arrête-là. Pas tout à fait! Car, le sourire timide des uns et des autres y est à tous les coins. A chacun sa tâche. Tout semble dans l’ordre et bien à jour : des affiches, des rendez-vous, des dates et une batterie de communiqués…

Une petite heure à l’avenue de la Liberté
Avant de rencontrer Ahmed Brahim, numéro 1 d’Ettajdid, Kapitalis a eu une petite discussion avec Hatem Chaâbouni, Pdg de la société Naplouse et membre du bureau exécutif du parti. L’homme d’affaires, une tête bien faite, croit à l’idéologie de son parti qui se positionne dans la gauche modérée. «La majorité des hommes et des femmes d’Ettajdid sont de la classe moyenne et de tous les âges. Le parti compte au jour d’aujourd’hui une cinquantaine de bureaux dans toutes les régions. D’autres sections sont en train de voir le jour un peu partout», annonce notre hôte. Qui précise que son parti a toujours compté sur les jeunes et que cela ne date pas d’aujourd’hui. «Les petits noyaux de jeunes existent dans le parti bien avant le 14 janvier», souligne-t-il. 
En effet, des séminaires ont été souvent organisés par ces jeunes, notamment à Bizerte, à Monastir et nous en passons… Sur ces jeunes, Ahmed Brahim semble fier. Pour le démontrer, il se contente d’un petit sourire. Le chef du parti semble très pris. Il a affaire du matin au soir et sans répit. Tous les matins, avant la réunion rituelle avec les membres de son parti, il jette un regard sur les journaux de la place tout en sirotant son café noir et bien serré, en tirant sur une clope qu’il écrasera aussitôt. Puis, il passe à autre chose, le menu du jour est très garni.

Ahmed Brahim, la journée commence par la lecture des journaux

9 heures du matin, jeudi 2 juin. Le téléphone sonne interrompant notre discussion. C’est Radio Soleil de Paris. L’homme avait une intervention et ça tombait bien. Car, c’était la veille de la visite à Paris de l’homme d’Ettajdid où il a prévu le lendemain un meeting avec les Tunisiens de France. «J’ai tout un programme à l’étranger. A l’Hexagone, j’aurai d’autres rendez-vous, notamment à Nice, à Marseille…», nous a dit M. Brahim qui était prêt à répondre à une batterie de questions. Nous lui en posons une concernant le financement. De son parti et de celui des autres.

L’argent, le pouvoir, le rouge et le noir
«Notre financement repose sur les fonds internes de nos militants ainsi que sur un petit reliquat de 2010». Combien? Réponse: «Nous disposons de 250.000 dinars par an avec les subventions affectées par la loi». Vous n’êtes pas choqué par la fortune dont disposent d’autres partis? «Ah oui! Je ne sais pas comment ont-ils pu ramasser en si peu de temps de tels pactoles. Dommage que la réglementation dans ce domaine tarde à venir. C’est bien d’avoir de l’argent. Mais dans la vie politique, il est nécessaire de moraliser le mouvement des fonds», dit-il presque scandalisé. 
Les militants d’Ettajdid sont scandalisés par beaucoup d’autres aspects. Va pour l’argent qui coule à flot! Là où le bât blesse, c’est de constater que le système de Ben Ali continue de fonctionner imperturbablement dans l’après-Ben Ali. Là, ils voient tout en rouge, en noir. 
 Encore des sbires qui tournent partout, vous minentles chemins et vous empêchent de travailler, qui sont-ils? Réponse du camarade Jounaïdi Abdeljaoued: «Ben Ali n’est plus là, mais ses sbires sont très actifs ces derniers temps. Il y a un peu plus d’un mois, dans un gouvernorat au Sahel, nos militants ont été attaqués une première fois, puis une deuxième par un certain Ridha... Il s’agit d’un agent de Ben Ali qui avait, dans une vie antérieure, truqué les élections et qui fait encore régner ‘‘son’’ ordre dans la région. Il fait campagne contre nous en nous attaquant même physiquement». Pour quel parti roule-t-il aujourd'hui? «Nous avons des idées sur la personne et ''son'' parti actuel… Nous avons fini par attirer l’attention du ministre de l’Intérieur qui en a pris note». 
Avez-vous confiance dans les sondages actuels? Réponse de M. Brahim: «Il faut réglementer et moraliser le secteur sinon, on n’est pas sorti de l’auberge. On gonfle et dégonfle les chiffres à souhait et on continue à rouler le peuple dans la farine. Il faut de la transparence. La transparence dans les médias surtout». Et de poursuivre que ces médias n’ont pas changé d’un iota. «Les pratiques d’hier sont de retour. Il faut dire que ce sont les médias de Ben Ali, toujours soudoyés, qui couvrent et découvrent et qui continuent à faire le beau et le mauvais temps. Je répète, le financement, les sondages, les médias… il faut réglementer ces secteurs au plus vite». 
Selon le leader de la gauche modérée, il y a un manque flagrant d’objectivité dans les médias et rien n’est garanti. «On a l’impression qu’il n’y a pas eu de révolution et que le fantôme de Ben Ali rôde toujours. Ces secteurs sont importants et ils peuvent fausser les données du paysage politique et de gonfler l’influence des uns et réduire celle des autres», dit M. Brahim.

Non, je ne regrette rien…
Ettajdid vient de s’allier avec d’autres partis, avez-vous vraiment peur d’être vite battus par les monstres de la place? «Le Pôle démocratique et moderniste qui vient d’être créé est un événement marquant dans la vie politique. La situation actuelle nécessite le regroupement. C’est une force électorale unie qui va prendre en charge la défense des valeurs de la révolution et celle des acquis progressistes et les protéger de tout risque, d’un éventuel retour en arrière», souligne M. Brahim. 
La création de ce pôle, selon Ettajdid va créer une dynamique, une force attractive qui pèsera sur le rapport actuel des forces. «Sans jeu de mots, nous espérons que cette alliance sera l’étoile polaire qui va permettre aux électeurs de mettre le cap sur la fondation d’une nouvelle république conformément aux liens dialectiques entre la démocratie et la république», lance M. Brahim. 
Pour le logo d’Ettajdid, allez-vous garder le bleu? «Il a être enrichi par des sigles et non par d’autres couleurs». Avez-vous regretté d’avoir été membre du premier gouvernement de transition de Mohamed Ghannouchi? Réponse de Brahim: «Non, je ne regrette pas. C’était dans une période d’instabilité extrême et pour peser le pour et le contre et asseoir des bases, c’était utile d’être de la partie».

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