mardi 24 mai 2011

Pour un large front démocrate et moderniste

Tunisie : grande réunion publique à Paris


Avec Ahmed Brahim, Premier secrétaire du Mouvement Ettajdid

Avec la participation du groupe musical Meolia et le chanteur Mohamed Bhar

Thèmes de la réunion:

Réussir ensemble l’élection d’une assemblée constituante à majorité démocrate et progressiste


Affirmer la citoyenneté des Tunisiens à l’étranger :


 participation à toutes les échéances électorales en Tunisie
 élection de représentants issus de leurs rangs




Bâtir ensemble un état démocratique qui garantisse les acquis modernistes, les libertés collectives et individuelles et l’égalité entre les citoyens


Construire une société juste, développer une économie qui profite à toutes et à tous et une culture rayonnante et créative.


Samedi 04 JUIN 2011 de 14h à 19h à la Bourse du travail


85 rue Charlot 75003 Paris Métro : République ligne 3, 5,8,9 sortie Boulevard du Temple










Contact : ettajdidfr@gmail.com


Site web : http://ettajdid.org/

samedi 21 mai 2011

Dette, culture économique et gauche


Après une courte pause, voilà que l’appel à l’annulation de la dette extérieure publique de la Tunisie rebondit, à l’occasion d’une manifestation prévue à cet effet, pour ce samedi 21 mai. Cette campagne, lancée par RAID ATTAC Tunisie et CADTM – Tunisie depuis février dernier, se base sur des arguments qu’il est nécessaire d’examiner de près afin d’évaluer l’opportunité, voire le sérieux d’un tel appel. Cette discussion soulèvera, nous le verrons, des thématiques fondamentales relatives à la logique de prédation mise en œuvre par le clan au pouvoir avant le 14 janvier, au financement extérieur pour une économie telle que celle de la Tunisie et aux modalités d’introduction de la question sociale dans le débat actuel et, partant, au contenu du discours de la gauche sur les questions économiques aujourd’hui.
En effet, le premier argument invoqué pour renier la dette tunisienne réside dans sa qualification de « dette odieuse », dont « une partie a servi à opprimer le peuple et une autre partie a été détournée ». L’analyse est simple et elle véhicule l’idée que l’enrichissement illicite se fait essentiellement par la voie classique – qui vient immédiatement à l’esprit du citoyen lambda – du détournement de fonds, étrangers en l’occurrence. Refuser de payer cette dette serait donc juste, puisque ces prêts n’auraient pas profité à l’économie tunisienne, et populaire, en évitant un appauvrissement inique du peuple. Toutefois, bien que plaisante et correspondant à une certaine culture économique populaire, cette lecture est un peu courte, voire erronée. En particulier, elle fait fausse route quant aux modalités d’enrichissement illicite mises en pratique par les membres du clan au pouvoir : l’explosion de leurs fortunes vient essentiellement de leur mainmise sur le secteur privé, de la mise de l’administration au service de leurs intérêts – avec tout ce que cela suppose comme délits d’initiés, accords de licences, opérations de privatisation truquées… - et de la collusion du système bancaire dont on a su qu’il était engagé auprès du clan à hauteur de 2500 millions de dinars !
Le deuxième argument invoqué en faveur de l’annulation de la dette ne serait pas simplement financier, mais politique. Les initiateurs de cette campagne sont, en effet, conscients que renier la dette équivaut à l’abandon de toute perspective d’un financement extérieur futur, mais, à les croire, ce ne serait pas plus mal. Car pensent-ils, non seulement, les bailleurs de fonds seraient complices de la dictature – la preuve en est la dégradation des notes souveraines de la Tunisie – mais, surtout, il n’y aurait rien de mieux, pour renforcer la souveraineté du pays, que de ne plus bénéficier de financements extérieurs ! Autrement dit, le reniement de la dette serait un prélude à une « déconnexion de l’économie mondiale », pour reprendre la vieille expression de Samir Amin.
Cet argument a donc deux volets : il souligne l’attitude, pour le moins inamicale, de la communauté financière internationale et, il pose, quoiqu’indirectement, la question de la mondialisation. Pour ce qui est du premier volet, il est certes bon, et souvent juste, de critiquer la toute puissance de la finance et son assujettissement de l’économie réelle. Mais l’argument ressorti ici est un peu court. Car la finance n’a pas de sentiments, et la dégradation dommageable des notes de la Tunisie ne doit pas être perçue comme une attitude défavorable à la Révolution : elle est le résultat, j’allais dire, mécanique de l’instabilité politique et des incertitudes qui ont émergé le lendemain du 14 janvier. D’ailleurs, l’annonce récente du prêt d’un milliard de dollars conjointement par la BAD et la Banque Mondiale, montre, au contraire, une attitude éminemment favorable à la révolution tunisienne.
Pour ce qui est du second volet, il pose clairement la question de l’insertion de la Tunisie dans l’économie mondiale et, d’ailleurs, les auteurs de l’appel soulignent clairement que leur campagne est une manière d’introduire la question sociale dans le débat politique actuel. L’initiative est louable, mais n’y a-t-il pas de moyens plus sérieux, plus intelligents, que de renier sa dette et de se condamner à une espèce d’autarcie financière ? La question du type d’insertion de la Tunisie dans l’économie mondiale est fondamentale et elle mérite un débat approfondi. Les 25 dernières années ont vu la pratique d’une « mondialisation par le bas », c'est-à-dire une insertion dans les échanges internationaux jouant presque exclusivement sur les bas salaires, ce qui a abouti à un affaiblissement et une fragilisation de notre salariat. Mais ce modèle de développement n’est pas une fatalité. Au Mouvement Ettajdid, nous préconisons, depuis longtemps, son abandon et l’adoption d’une politique économique, notamment industrielle, plus ambitieuse qui accroisse le contenu technologique de nos exportations, cesse de jouer sur la pression des salaires et renforce les droits sociaux des travailleurs. Autrement dit, une « mondialisation par le haut » est jouable, elle est dans nos cordes, dans nos potentialités.
Bien qu’éludée jusqu’ici, la question sociale est fondamentale. Mais ceux qui veulent l’introduire par ce type d’appel ou de slogan démagogique et populiste, lui feront du tort. Telle est, en tout cas, l’attitude du Mouvement Ettajdid, en tant que parti présentant au pays une alternative de gauche moderne, non idéologique, non dogmatique, crédible et réalisable.
Baccar Gherib

jeudi 19 mai 2011

Communiqué : évenements de Siliana 18/05/2011 12:00

Le mouvement Ettajdid condamne vivement l'intrusion de certains éléments terroristes dans le territoire national et l'agression dont ont été victimes nos forces armées.

Le mouvement Ettajdid déplore les pertes humaines enregistrées au sein de notre armée nationale, salue les efforts qu'elles fournit pour préserver la sécurité du pays et de nos concitoyens. 



Nous présentons toutes nos sincères condoléances aux familles de nos soldats martyrs, morts en défendant la patrie.

Le Mouvement Ettajdid appelle les tunisiennes et les tunisiens à la vigilance et à la solidarité face aux dangers qui menacent la sécurité de notre pays et sa stabilité.
Vive la Tunisie!

Tunis, le 18 Mai 2011 (12h)

Pour le Mouvement Ettajdid
Le Premier Secrétaire
Ahmed Brahim

dimanche 15 mai 2011

LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR LA REVOLUTION TUNSIENNE


La révolution tunisienne a ouvert à notre peuple des perspectives inespérées, inouïes. Des énergies insoupçonnées sont en train d’émerger de notre jeunesse et de toutes nos régions ; une volonté d’édifier une Tunisie nouvelle, libre et digne, espace de création et d’invention dans tous les domaines est en train de s’exprimer chaque jour avec plus d’éclat. Notre peuple est en train de prendre son destin en mains et de réaliser le rêve de ses générations précédentes. Nous sommes un peuple libre ; notre Révolution est l’objet d’admiration ; nous en sommes fiers.L’avenir est entre nos mains.
Nous avons inauguré une nouvelle page de l’histoire. Notre Révolution est en train de faire tâche d’huile ; le monde arabe est sur le même chemin ; il brise ses chaînes. Solidarité ! Fraternité ! Hommage à tous nos martyrs !
Le régime déchu nous a légué d’immenses injustices et une situation sociale dramatique qui ne peuvent disparaître du jour au lendemain. Nous sommes convaincus que notre peuple sera capable de les réparer avec détermination, abnégation et sagesse  et nous sommes certains que, grâce aux libertés que nous avons conquises et à la démocratie que nous allons construire,  nous allons développer nos potentialités, longtemps réprimées, et réaliser  une croissance et undéveloppement sans précédent.

Les objectifs et les orientations d’Ettajdid

L’objectif ultime que vise Ettajdid est de fonder une Tunisie prospère au profit de tous ses citoyens, libre et démocratique, solidaire, régionalement et mondialement rayonnante.

mardi 10 mai 2011

Tunisie Rassembler autour de solutions solidaires et dignes

Paris, le vendredi 6 mai 2011- France terre d’asile avec le soutien de nombreuses organisations, associations,
personnalités, lance ce jour (voir Libération) un appel à une réponse digne et responsable sur la question tunisienne.
Aux côtés de Stéphan Hessel, Bertrand Delanoë, Martine Aubry mais aussi de Christiane Taubira, François Chérèque,
Bernard Thibault, Bernadette Groison, Pierre Laurent, Emmanuel Zemmour, Guy Arcizet, Nicole Maestracci, Mohsen
Zemni, Patrick Lozès, Dominique Sopo, Alain Jakubowicz, Etienne Pinte, Dominique Versini et tant d’autres, l’appel
peut être signé sur le site Internet de France terre d’asile : www.france-terre-asile.org.

La France doit apporter une réponse digne et responsable

à la question tunisienne.

Depuis janvier 2011, plus de 20 000 Tunisiens sont arrivés sur les côtes italiennes et quelques milliers, qui se sont vus
délivrer par Rome une autorisation provisoire de séjour à titre humanitaire, se sont dirigés vers la France. Certains
errent aujourd’hui dans les rues et les squares des grandes villes, Marseille, Nantes et surtout Paris. Ils bénéficient
du soutien d’urgence que leur apportent les associations, certaines municipalités et d’une importante entraide
communautaire et citoyenne. Cela ne suffit évidemment pas.

Face à cette situation chaque jour plus dramatique, le gouvernement français, guidé par des considérations
de politiques internes, a déployé une série de réponses totalement inadaptées : multiplication d’interventions
policières, placement en garde à vue, en centre de rétention, blocage de la frontière franco-italienne et réadmission
de Tunisiens vers l’Italie. La France manque à sa réputation de patrie des droits de l’Homme et déroge aux
principes qu’elle a toujours défendus. Nous sommes en droit d’attendre de notre pays une autre réponse, digne et
responsable, qui porte nos valeurs.

Les personnalités et organisations signataires refusent l’instrumentalisation idéologique et politique de cette
situation et en appellent au gouvernement français pour qu’il adopte des solutions à la hauteur des enjeux.

Nous demandons pour cela que le gouvernement :

- Cesse les interventions policières sur les lieux de rassemblement des Tunisiens : ces interventions sont
discriminatoires, agressives et inutiles.

- Propose un dispositif d’accueil temporaire.

- Mette en place un dispositif spécifique d’aide au retour volontaire pour les Tunisiens qui souhaitent retourner dans
leur pays : cette mesure permettrait d’organiser des retours de manière digne et humaine à un coût qui ne serait pas
plus élevé que le coût de la politique actuelle.

- Considère la situation des Tunisiens qui pourraient entrer dans des dispositifs d’accès au séjour ou de formation
professionnelle, notamment dans le cadre des accords migratoires franco-tunisiens.

- Contribue, y compris dans le cadre européen, à une aide significative au développement économique et social de la
nouvelle démocratie tunisienne.

- Encourage la solidarité européenne en matière d’accueil des migrants.

Prendre ces mesures simples et humaines c’est bien peu quand on sait que la Tunisie a accueilli 300 000 déplacés
de la crise libyenne en faisant preuve d’un élan de solidarité exceptionnel. En entendant notre appel, la France
s’honorerait de renouer avec des principes qui ont inspiré les différents mouvements de ce printemps arabe tant
salué et de la révolution du Jasmin en particulier.

-30-

Source et info
Pierre HENRY
Directeur général
06 03 22 65 25

lundi 9 mai 2011

Ettajdid à propos des déclarations de M. Rajhi : « Faire toute la lumière sur ces accusations »


A la suite des déclarations de l’ex-ministre de l’intérieur, M. Farhat Rajhi, qui comportent, notamment, des accusations graves concernant l’armée nationale, le premier ministre du gouvernement provisoire, ainsi que des commentaires pouvant exacerber les sentiments régionalistes
  • Le Mouvement Ettajdid exprime son vif étonnement vis-à-vis de ces déclarations, de leur timing et de leurs motivations, dans ce contexte délicat par lequel passe le pays, avec de graves problèmes de sécurité, l’augmentation des comportements anarchiques et la poursuite des polémiques sur les élections.
  • Le Mouvement demande à toutes les parties concernées, notamment le gouvernement et M. Rajhi, de lever le voile en toute transparence et responsabilité, sur les circonstances entourant ces accusations et sur la situation sécuritaire par laquelle passe notre pays, et ce afin de rassurer l’opinion publique, de sauvegarder le processus de la transition démocratique et de le protéger de toutes les tentatives de déstabilisation et de récupération de la révolution du peuple .
Pour le Mouvement Ettajdid
Ahmed Brahim
Tunis, le 5 mai 2011

samedi 7 mai 2011

Latifa Lakhdar auteur de « Imra'atu -l'ijmâ » ou « La femme selon al Ijmâ »

Latifa Lakhdar, maître-assistante à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, vient de publier, en janvier 2002, chez Cérès Éditions, un second livre dans lequel elle poursuit son investigation historique du sacré - son premier livre portait sur l'Islam confrérique dans la Tunisie coloniale (Cérès Éditions, 1994). Avec La femme selon le Ijmâ (unanimité des docteurs musulmans sur un point de religion ou de doctrine), Latifa Lakhdar propose une analyse des rapports entre les sexes dans la culture religieuse musulmane, à la lumière de l'« islamologie appliquée », école de pensée inaugurée depuis longtemps par l'islamologue Mohamed Arkoun et quelques autres.
Ces deux livres sont publiés en Arabe ; nous présentons le dernier dans une brève interview de Latifa Lakhdar, en invitant nos lecteurs à se plonger directement dans l'ouvrage, qui, à coup sûr, suscitera l'intérêt, le débat, voire la polémique.
La rédaction

Alternatives citoyennes : Le terme de Ijmâ, qui figure dans le titre de votre ouvrage, semble difficilement traduisible. À quoi renvoie donc ce concept ?
Ouvrage Latifa LakhdarLatifa Lakhdar : Al-Ijmâ est un principe d'autorité. Il traduit en même temps un grand pouvoir masculin ; c'est donc une institution « morale » qui cumule deux armes redoutables. C'est le troisième fondement de ce qui est appelé par le savoir islamique Usûl al-fiqh. Disons que l'expression pratique ou opérationnelle de ces Usûl (ou fondements du droit musulman) a fini, à travers un parcours historique compliqué et difficile à résumer ici, par dominer toute la pensée musulmane classique orthodoxe, ainsi que la pensée néo-orthodoxe, aux dépens de la théologie comme champ de réflexion qui appelle une « confrontation » continuelle avec la philosophie et avec l'histoire. Or nous sommes là devant le point le plus problématique de la pensée musulmane ; l'hégémonie de l'esprit juridique va déboucher sur une situation religieusement « paradoxale » et historiquement dépourvue de perspective.
On peut résumer cette situation par l'institution - à travers l'organisation des « sciences charaïques » - d'une mécanique qui consiste à dispenser la foi par la loi. Or autant la foi peut être un champ de « perte » dans le sens philosophique, dans le sens du dépassement et dans celui de l'amour, autant la loi veut dire un mouvement de fermeture et de rigidité. Ainsi l'Islam se trouve réduit à des expressions juridiques, à la Charïa (ensemble de lois), ou même encore aux hudûd (ensemble de lois punitives). On comprendrait facilement dans ce cadre que le Coran, discours fort, philosophique, transcendant, en tombant sous la coupe des a priori de cette théologie juridique, soit appauvri et aseptisé par rapport à sa dimension humaniste et existentialiste, et que cette dialectique négative prenne de l'importance à mesure que l'ambiance où régnait la discussion libre et les polémiques enrichissantes à l'époque classique de l'Islam ne sont plus qu'un lointain souvenir.
A.C. : Dans ce contexte de fermeture et d'appauvrissement, que devient le statut de la femme ?
L.L. : La femme musulmane est évidemment le maillon le plus faible - nous n'avons pas besoin de le démontrer - et, dans un tel contexte de rétrécissement et de dogmatisme, il n'était pas difficile de lui faire subir les effets d'une vision essentialiste, sexiste, comme il était aisé pour les Ulémas, d'en faire l'objet d'une construction religieuse prétendant tirer sa légitimité du discours divin. Par cette construction et à travers le statut qu'on lui a octroyé, la femme est placée dans l'espace du sacré. Or le sacré défie l'histoire et cherche toujours à se situer en dehors de toute historicité : c'est déjà là la plus grande manoeuvre de marginalisation. Mais, un démontage de cette construction nous permet de saisir que les rapports entre les deux sexes dans cet espace musulman sont établis sur la base d'un pouvoir masculin, représenté par les Ulémas, intellectuels organiques d'une société patriarcale misogyne, et que ce pouvoir se traduit par un Ijmâ. Je tiens à dire que Ijmâ est pris ici dans le sens de l'unanimité et non dans celui de consensus parce que consensus suppose discussions et concessions de part et d'autre, ce qui n'est pas du tout le cas pour notre sujet. Unanimité donc autour d'un statut et d'une mise en représentation de ces rapports en tant qu'on les considère comme preuve de vérité divine : voilà le sens de mon titre.
A.C. : On connaît les résultats de cette construction idéologique, infériorisant la femme au plan de son statut dans le mariage, de l'héritage, du témoignage, du voile, bref de toutes les formes de domination masculine. Comment tentez-vous de déconstruire ce système ?
L.L. : Je suis partie du constat suivant : les historiens s'accordent plus ou moins pour dire que l'histoire musulmane se divise en quatre périodes essentielles :
(1) la période fondatrice (prophétique et celle des Rashîdîne) ;
(2) la période classique, créative, où l'Islam s'impose comme culture et comme civilisation à dimension universelle ;
(3) la période de décadence politique et culturelle, marquée par le dogmatisme et l'hégémonie de l'esprit mythique et irrationnel ;
(4) la période de la Nahdha, qui représente un intermède libéral.
Demandons à la femme si elle a été actrice active lors de ces différentes périodes de l'histoire musulmane, sa réponse sera sûrement négative (mise à part l'histoire des exceptions ou celle que Joan Kelly appelle l'histoire compensatoire).
Devant cela, on ne peut que s'interroger sur les mécanismes qui sont intervenus dans sa marginalisation.
On pourrait m'objecter que de toutes les façons la femme était dans une situation universelle de marginalisation, surtout avant l'histoire moderne. Il est évident qu'un esprit critique comparatiste ne peut pas perdre de vue cette réalité ; mais cela n'explique rien. Ce qui m'intéresse, c'est de voir les mécanismes par lesquels furent fixés les rapports entre les sexes dans l'espace musulman.
Ces mécanismes se traduisent sur le champ social ; il n'est pas nécessaire de dire qu'ils en sont en même temps et d'une certaine façon le reflet, c'est évident et c'est là le champ de la sociologie. Mais il est important pour l'historien de la culture de les saisir là où ils se situent en plus clair, c'est-à-dire au niveau du savoir religieux musulman. À ce point-là, je peux dire que la pensée de Michel Foucault a été pour moi d'un grand apport, car quand on procède à l'analyse du savoir religieux musulman dispensé autour de la question des rapports entre les deux sexes, quand on traite du Fiqh, du Hadith, de l'exégèse, de l'histoire (considérée au début comme branche des sciences religieuses), quand on soumet ces disciplines à une approche critique, on ne peut que se rendre compte que ce savoir n'a aucune neutralité et qu'il reflète en profondeur un rapport de pouvoir immense auquel l'homme soumet la femme. En utilisant la démarche qui consiste à faire « l'archéologie du savoir », j'ai eu à constater que ce savoir ne tire pas sa légitimité du sacré comme il le prétend, mais d'une certaine lecture, d'une certaine orientation et d'une certaine façon d'agencer ce sacré, opérations qui se sont déroulées sans aucune participation féminine réelle et sans aucune présence qui tienne compte de la sensibilité féminine et qui s'étaient déroulées contre les femmes.
Cette démarche a permis de remettre en cause beaucoup d'évidences et de démystifier quelques « vérités » :
- celle qui dit que le hijab (ou le voile) est une loi divine éternelle et incontestable ;
- celle de la femme créée à partir de la côte inférieure d'Adam, ce qui connote qu'elle n'est que dérivée et donc qu'elle est création de deuxième degré ;
- celle de Aïcha, « la mère des croyants », femme heureuse et source prétendue de la « moitié des lois charaïques », y compris celles qui consacrent l'infériorité des femmes, alors même qu'elle fut attaquée, culpabilisée, diffamée et malmenée par ses contemporains jusqu'à lui faire perdre toute crédibilité, je pourrais en citer d'autres...
A.C. : Votre démarche intellectuelle, de ce point de vue, apparaît aussi comme celle d'un savoir engagé ?
L.L. : Oui, j'ai fait ce livre pour mettre la recherche historique au service des sollicitations du temps présent dans une perspective militante, sans sortir des règles de la rigueur, c'est ma quête à travers ce livre et aussi parce que je suis convaincue qu'on ne peut pas prétendre à «  la citoyenneté libre du monde » dans la facilité et sans avoir acquis au préalable la liberté que doit nous procurer la « thérapie » de réflexion et de réponse concernant des interrogations que nous adresse notre propre culture. La souveraineté et l'autonomie intellectuelle - un peu dans le sens kantien - sont les plus grands principes de la laïcité et, à mon sens, l'appartenance à l'universel les exige très clairement.