mercredi 23 février 2011

A propos du conseil de protection de la Révolution et d’autres revendications

Il semble aujourd’hui important de faire une distinction claire entre deux notions bien différentes :
-          Le conseil de protection de la Révolution
-          L’Assemblée Constituante

Le Conseil de protection de la Révolution : très belle idée en soi, mettre en place une sorte de Chambre composée de nombreux membres de la société civile, associative, politique… qui aurait pour objectif de « protéger » la Révolution. Malheureusement, cela ne s’arrête pas là. Il fallait bien évidemment définir les moyens d’actions et le champ des prérogatives d’un tel Conseil et c’est là que le bât blesse.

Voici que le « très respectable » Front du 14 janvier demande : ( http://www.front14janvier.net/Comite-pour-le-Congres-pour-la.html)
1 - Que le conseil ait un pouvoir décisionnel et ce en veillant à la préparation des législations relatives à la période de transition et à leur approbation (annulation des lois contraires aux libertés, etc ...)
2 – La surveillance des actions du gouvernement provisoire qui se charge des affaires courantes et la soumission de la nomination des responsables aux hautes fonctions, à l’approbation du conseil.
3 – La révision des commissions qui ont été formées en ce qui concerne leurs compétences et leur composition de sorte à ce qu’elles soient le résultat d’un consensus et à condition qu’elles soumettent automatiquement tous les projets qu’elles proposent à l’approbation du Conseil.
4 – Prendre les initiatives que nécessite la situation transitoire dans tous les domaines et en premier lieu, la Justice et l’Information.
5 – Le Conseil se compose des représentants des partis politiques, associations, organisations et conseils soussignés, ainsi que des représentants de toutes les régions à condition que cela se fasse par consensus.

Pour résumer, ce Conseil National pour la Sauvegarde de la Révolution disposera de l’ensemble des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. C’est officialiser un système dictatorial que d’accepter un tel Conseil. Nous pourrons alors demander la création d’un Conseil de surveillance de ce Conseil de Surveillance et nous serons alors dans une situation complètement schizophrénique de laquelle nous ne pourrons nous extirper. Avons-nous fait tout cela pour en arriver là ? Plusieurs centaines de tunisiens sont morts pour nous débarrasser d’une dictature, voulez-vous vraiment en remettre une en place ? Rappelez-vous les « bonnes intentions » de Ben Ali en 1987.

Il s’agit d’un réel appel aux pleins pouvoirs, sous couvert de « représentativité » grâce à la signature de 28 associations, partis, ligues… En s’intéressant aux signataires, il est légitime de se demander comment le point 5 peut-il être tenu ? Quel consensus peut être trouvé entre des acteurs aussi différents, voire aux idéologies contraires ? Comment pourront-ils faire avancer les choses de manière pragmatique pour protéger la Révolution alors que chacun d’entre eux représente des intérêts si particuliers et si différends ?

Un autre appel commence à se faire entendre, il s’agit de l’appel réclamant la mise en place d’une assemblée constituante. Tout d’abord je voudrai rappeler ce qu’est une assemblée constituante : il s’agit d’une institution collégiale qui a pour tâche de rédiger une constitution. Ses membres peuvent être désignés de différentes manières selon le contexte du pays.

La Tunisie se situant dans une crise de régime, il est important de trouver le type de désignation le plus adapté, afin que le peuple tunisien reconnaisse cette assemblée et l’accepte. Pour cela, il existe différends moyens. Le premier consisterai en une assemblée auto-proclamée (ah, se terme vous dérange sans doute, mais c’est exactement ce que fait le Front du 14 janvier en demandant encore plus de pouvoir). Deuxièmement, plusieurs assemblées peuvent se former et rédiger leur propre constitution. Ces différentes constitutions seraient alors soumises au vote des citoyens tunisiens. Cependant, devoir choisir entre différentes constitutions peut nécessiter des connaissances juridiques importantes ce qui s’apparenterait à une entrave de la marche démocratique puisque tous les tunisiens ne disposeront pas des mêmes outils d’analyse pour faire leur choix. Le dernier moyen  consiste en la tenue d’élections libres pour désigner les membres de cette assemblée, élections qui nécessiteront du temps et des moyens.

Cette Assemblée Constituante devra, en quelques mois, et non en quelques années, rédiger une constitution, ou du moins les bases de celle-ci, le socle qui sera inaliénable et assurera les mêmes droits pour tous et la fin de l’ancien régime. Cette Constitution sera alors soumise par referendum à la population tunisienne et si elle est acceptée, permettra de promulguer la deuxième République en Tunisie. Cette Constitution définira le type de régime politique et le type d’élections à tenir. Parallèlement à cette phase, le gouvernement de transition devra assurer les affaires courantes et se soumettre à la nouvelle Constitution lorsqu’elle sera approuvée par le peuple. Alors oui il faudra être patient et surveiller continuellement ce gouvernement.

Il me semble très important aujourd’hui de garder toute sa capacité de réflexion pour appréhender tous les évènements. Le moment est plus qu’historique et nous n’avons pas le droit de le gâcher parce que nous aurions peur et que nous serions prêts à accepter la moindre mesure qui répondrait à cette peur sans la questionner en profondeur. Assez de la peur, assez de la terreur, nous devons prendre en main notre destin mais avec notre tête. Car si nous prenons les mauvaises décisions aujourd’hui, l’Histoire ne nous le pardonnera pas. Nous devons continuer à faire preuve de discernement dans les semaines qui viennent. La passion est importante, l’ambition également, mais nous devons nous garder de foncer tête baissée dans tout ce qui se présente.

Alors oui, le chantier est encore gigantesque et il est primordial de continuer à mettre sous pression les personnes qui ont aujourd’hui des pouvoirs. Il faut que chaque citoyen les questionne, les interpelle, leur rappelle ce pourquoi ils sont là et ceux grâce à qui ils sont là. Il faut leur demander des comptes en permanence, par le biais d’associations de défense des citoyens par exemple, mais je vous en prie, n’acceptez pas de donner les pleins pouvoirs à un même conseil, quelles que soient ses « bonnes » intentions au départ, il existe d’autres moyens d’action.

Nous ne pouvons sombrer dans la peur car elle est le pire ennemi de la Révolution. Soutenons l’appel à la tenue d’élections pour une Assemblée Constituante et allons nous exprimer dans les urnes.

Mehdi TRITAR

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